Partir s’installer à l’étranger ou pour un voyage au long court, c’est se soumettre au questionnement des autres. Que ce soit par pure curiosité, pour faire la discussion ou pour une réelle envie de savoir pour mieux comprendre le schéma de ces personnes qui s’expatrient loin, on n’y échappe pas.
C’est parfois une question épuisante quand, contrairement à certaines personnes, nous ne sommes pas parti(e)s dans le but de réaliser un projet, mais plutôt dans le but de fuir une partie de notre vie. Et fuir, c’est être confronté(e) au jugement des autres. Alors que fuir peut très bien être salvateur.
Partir pour se construire.
Bien sûr, on part pour découvrir une nouvelle culture, apprendre une nouvelle langue, s’ouvrir à de nouveaux horizons, avoir une expérience professionnelle différente, rencontrer de nouvelles personnes, grandir. Mais pas que…
Sous ces raisons pleines de promesses et d’engagements, se cachent parfois des raisons plus personnelles. Comme fuir. Se fuir. Se perdre. Se retrouver. Se trouver. Se construire. Se déconstruire. Se reconstruire.
Lorsque je suis partie au Canada, la réponse était simple : je ne trouvais pas d’emploi en France. Faire un PVT à Montréal s’est imposé de manière naturelle puisque j’avais déjà usé et abusé de mon PVT en Australie. C’était ma raison « officielle ». 2009 et sa crise a donné raison à mes arguments.
En vrai, au fond de moi, j’étais mal. J’étais à ce moment de ma vie où l’on quitte sa vie d’étudiante pour entrer dans la vie adulte. Je ne trouvais pas l’emploi qui me permettait de passer ce cap. Je me suis retrouvée à retourner vivre chez mes parents à 25 ans après plusieurs années à Paris et à l’étranger. Tout en moi était fragile. Une rupture est venue mettre le dernier coup de sabre à mes fondations. Ce fut le point de non-retour. En quelques semaines, j’ai décidé de partir m’installer au Canada. J’avais déjà mon PVT en poche (demande faite « au cas où » quelques mois auparavant), il ne manquait que le billet d’avion.
Une fois arrivée à Montréal, tout a été fluide. Pour moi, Montréal m’a « sauvée ». Ce fût ma plus belle fuite. Celle qui m’a permis de me construire et de me trouver. Bien que le chemin reste encore long.
Certes, Montréal n’a pas effacé mes peurs, mes névroses ou mes faiblesses. Mais cette ville m’a aidé à les affronter et à grandir. Et je sais que je ne suis pas la seule à avoir connu cela (à Montréal ou ailleurs).
Partir pour se retrouver.
Il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises raisons de partir. Fuir n’est pas péjoratif, tant que cela nous aide à nous construire, à savoir ce que nous voulons au fond de nous et que nous avons conscience que partir n’effacera jamais les vrais problèmes.
Je reste persuadée que cela peut aider les plus « instables » d’entre nous à savoir qui ils sont vraiment, ce dont ils ont réellement besoin et à trouver leur bonheur au fond d’eux-mêmes. Quitte à errer entre deux pays. Quitte à ce que cela prenne des années.
Cet article est peut-être un peu différent des autres. Car en lisant les articles des autres blogueurs expatriés/immigrés/voyageurs qui semblent avoir mille projets en route et à qui tout réussit, j’ai envie de dire qu’il y a aussi des personnes qui doutent, qui font marche arrière, qui tournent en rond, qui se cherchent, qui bataillent, qui se cassent la figure… et qui continuent d’avancer.
Alors dans un monde où il faut savoir qui on est et où on va, dans un monde où les apparences comptent, il peut être bon de se rappeler que fuir n’est pas une maladie, ni une tare. Et que le principal, c’est d’arriver au bout du chemin serein et heureux, même en ayant pris 150 chemins de traverse.
18 Comments
Je sais oh combien de quoi tu parles ma chère Lili. Je suis dans ces questionnements en ce moment. J’ai fuis la France il y a 16 ans. Et là à MTL je souhaite rentrer en France. Mais la vie française n’a pas l’air très simple non plus. Ce qui est dommage c’est que les employeurs français n’aime pas les expats. Je ne comprends pas pourquoi puisque nous avons été d’une adaptabilité énorme sous le stress permanent du changement… Bref Je suis dans des questionnements assez intenses ces derniers temps.
Wow 16 ans ! Et dire que je suis revenue au bout de 4 ans et demi.Et je te confirme que la vie française n’est pas simple… loin de là ! Tout ce qui était facile à Montréal devient le parcours du combattant en France…
Combien de fois en entretien de boulot on m’a dit “Mais vous n’allez pas vous ennuyer en restant en France vous qui avez tellement bouger ?” Si… et vous ? Vous ne vous ennuyez pas de ne jamais avoir bouger ? Je te jure…
Et bien c’est le moove que j’ai fait la même année que Lili, après 12 ans à Montréal. Elle a continué son chemin en Asie moi je suis arrivée chez mes parents à 35 ans 🙁 . C’est vrai qu’en revenant on découvre un pays lent et fermé à notre expérience. Je pensais vraiment que mon bagage allait m’ouvrir des portes et ce fut l’inverse. Ici ils aiment les vendeurs. Ils n’aiment pas que tu aies de l’ambition ou de l’autonomie, enfin j’ai fini par comprendre l’arrivage massif de français qu’on a eu depuis quelques années à Montréal. Compris aussi pourquoi les gens étaient plus aigris, moins portés à l’audace entreprenariale. Je suis tout de même restée, du moins pour le moment. J’ai retrouvé aussi des petits trucs français que j’aimais bien, j’ai retrouvé aussi ma famille, mes amis, l’esprit bon vivant et l’entraide. J’ai aussi trouvé un boulot qui me correspond, me permet d’être entre le salarié et l’indépendant et donc de n’avoir plus à convaincre un patron ou à jouer le jeu du vous le maître moi l’employée. Car les grades et les statuts on aime ça en France ! J’ai aussi trouvé un métier qui me permet de voyager ou de déménager en conservant mon emploi. Et ça c’est pas rien pour une curieuse comme moi. Voilà mon expérience. Juste pour finalement dire si tu reviens ce ne sera pas facile c’est clair surtout en tant que femme. Mais il faut que tu t’accroches à ton pourquoi. C’est une aventure car tu n’es plus d’ici et pas de là-bas. Mais tu sais aussi que si ça ne marche pas tu es capable de bouger de nouveau. Bonne chance dans ton choix ! Xx
Le principal, c’est qu’on s’adapte et qu’on continue d’avancer 🙂
Tu t’en sors parfaitement bien et tu as trouvé ta voie je pense. Bisous
Chère lily,
Le vieux grigou, comme m’a appelé une de vos commentatrices, va encore frapper (oh shit comme disent les anglos saxons).
Il me semble que vous avez raison sur beaucoup de points, juste que je ne suis pas certain que certains blogueurs soient tout le temps honnêtes lorsqu’ils parlent de leur expérience à l’étranger.
Je m’explique : lorsque la crise ou une crise touche le monde anglo saxon c’est assez immédiat. Du jour au lendemain cela peut être “cacahuète”. Mais l’inverse est vrai également lorsque cela repart cela peut-être tout bonus. Leur système retranscris les situations, le nôtre aplanit les choses.
J’ai des amis qui ont bougé sur Calgary il y a un an en plein boom économique. Chouette au départ, catastrophique aujourd’hui, en raison de la crise pétrolière. Vont ils dire qu’ils regrettent leur choix, que nenni – mais ils ont vraiment très, mais alors très mal au c…
Bon cette petite transgression mise à part, prenons le cas d’un américain passant 10 ans en france. Certes il aime maintenant le foi gras, les escargots, les huitres, nos fromages et nos innombrables pinards (dèjà il est pollué). Il perd son job. Super il y a Mr Chômage qui en prend soin pendant 24 mois, et après? Ben il fait comme le français à l’étranger il se dit et si je rentrais chez moi?
Sauf que que chez lui son expérience sera considérée comme un plus, pour nous plutôt comme un moins à de multiples égards.
Cela pose donc la question de la souplesse de nos différents systèmes, et le notre est parfois hyper rigide (genre super rigide), le leur l’est moins.
Donc la question est la suivante, en tant que français arrivons nous à nous intégrer à l’étranger, où sommes nous des solo players. Les chinois, les coréens le font. Les ritals le font super bien ils ont même importé la mafia. Nous d’accord nous avons amené le fois gras – mais sommes nous communautaristes? Je ne le crois pas, parce que cela voudrait dire solidaires- est ce le cas?
Je ne sais pas si le terme fuir est le bon, trouver l’endroit d’équilibre pourrait être meilleur. Et là franchement Montréal c’est cool ( de mémoire).
Revenir en France, c’est passer d’un système directe à un indirecte. On aime, on aime pas, quoiqu’il arrive il faut se réadapter, comme le temps d’adaptation quand on part ailleurs.
Dans mes moments de blues j’entends charlebois chanter “Je reviendrais à Montréal, dans un grand boeing bleu de mer”, dans d’autres j’entends Trénat chanter ” Douce France, chère pays de mon enfance”…… Allez comprendre Georges?
Ahah ! C’est un gentil surnom n’empêche 😉
C’est vrai que beaucoup de blogueurs (comme de personnes dans notre entourage), ne parlent pas des difficultés des échecs. C’est moins inspirant… Forcément…
J’aime bien le terme de trouver l’endroit pour son équilibre. C’est un peu ça finalement. Partir pour se trouver et chercher où peut être son propre équilibre. Mais comment faire quand on oscille entre deux pays ? C’est toujours délicat. Et effectivement, passer de Montréal à la France, c’est un sacré gap… voir un canyon. Toujours le même point qui revient d’ailleurs 🙂
Très jolie citations de Charlebois… et de Trénet… Toujours entre deux…
Bahh encore je suis gentil en ne citant pas Diane dufresnes et son non moins célèbre “Donnez moi de l’oxygène”. Avec un pied à Montréal et un autre à Paris, tout en ayant une cartographie du monde dans la tête, le grand écart serait-il ton équilibre? Le vieux grigou….
Possible… J’aimerais bien pouvoir penser ça.
Tiens… “Donnez-moi de l’oxygène”, c’est exactement ce que j’ai envie de dire.
Je te rejoins aussi sur pas mal de points. Je suis à peu près partie pour les mêmes raisons que toi et pareil on peut dire que l’expatriation m’a sauvée (d’ailleurs j’ai pas prévu de revenir ^^)
Après effectivement ça marche pas toujours pour tout le monde.
Et bien je suis contente de ne pas être la seule. 🙂
C’est fou comme partir nous aide à guérir parfois. Que ce soit un voyage ou une expatriation.
Cela ne marche pas pour tout le monde mais dans tous les cas, je pense que a aide, quoiqu’il arrive.
Bonne journée !
Un article qui tombe à pic, ou comment me déculpabiliser en un instant.
Merci, tu es brillante !
Ahah ! Vraiment ? 🙂
Yep ! Ca change du propos: ‘l’herbe n’est pas plus verte ailleurs’ ; qui est peut-être juste, mais si pour le moment c’est attirant pour telle ou telle raison, autant y aller, quitte à revenir ensuite.
Je crois que beaucoup de gens partent pour fuir, pas forcément tous la même chose, mais bel et bien pour fuir quelque chose… que ce soit le chômage, la famille, la routine, le passé ou tout ça à la fois. Cela n’est pas un problème je pense, tant que l’on est au clair avec soi-même à ce sujet. Et puis comme on part, on peut aussi revenir… Rares sont les choix irréversibles dans la vie !
Exactement 🙂 Bon… Après, il y a toujours la question des visas pour certains pays qui peut poser problème. Mais effectivement, même si on part pour fuir, si on est au clair avec soi-même et qu’on avance, c’est plutôt positif.
Grâce à cette fuite, on s’est rencontrée et tu es devenue une amie sincère d’une grande écoute et bons conseils. Tes expériences ont fait qui tu es et qui tu seras. Avec une voyageuse comme toi pour une curieuse comme moi ça veux aussi dire qu’on finit toujours par se croiser et se retrouver peu importe le pays où la ville. C’est aussi cela qu’on apprend à travers la fuite, c’est que tous les endroits sont des domiciles possibles et accueillants. Rien est immuable tout est impermanent. C’est le cycle de tous ce qui est vivant. Xx
J’aime beaucoup cette phrase “Rien est immuable tout est impertinent.”
C’est tellement vrai…
Et c’est chouette d’avoir une amie comme toi ! Et on se comprend sur nos doutes par rapport à la France. Et tu es capable de me faire voir les choses autrement aussi 🙂
très bel article et je te comprends parfaitement ! parfois il faut savoir partir pour mieux revenir.. ou tout simplement se (re)trouver.